De cette danse épuisée

Publié le par Fae

 

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Finalement, ton sourire me rappelle hier. Le foin dans le feuillage des escaliers, le landau peuplé de chats et de fantômes. La peur au ventre quand il a fallu ranger sept années dans sept cartons. Tu as appris à danser en lumière. Tu mobilises tes forces pour être au milieu du monde. Accessible. Acceptable. Acceptée. On aura tous besoin, un jour, de défier nos héros. D'écrire en lettres noires sur les albums photos : si tu m'aimes vraiment, j'arrête de ne pas être moi.

 

Et puisqu'on sait très bien qu'on est pas comme tout l'monde, et puisqu'on n'oublie pas qu'on ne sait pas le dire, finalement j'entends au loin tes forces faire le grand plongeon. Le souffle d'air coupant quand tout tombe en miettes. Les « tiens toi droite, la France te regarde ». Les galipettes dans nos piscines de sang. L'acrobatie qu'on a trouvée, celle devenue si naturelle, pour naviguer sur cette tragédie qu'on appelle ta mémoire.

 

Mais je ne veux pas me souvenir.

Quand j'ai su que mourir ne voudrait jamais dire mourir. Quand j'ai vu la vie continuer, alors qu'on m'avait tout volé. Quand j'ai trouvé comment survivre et faire de ces béquilles des appuis essentiels. Quand on m'a admirée pour savoir être forte, alors que pour toujours ce courage là ne sera que la trace de l'injuste. Finalement, là d'où tu viens me rappelle à l'ordre. Entre discours et firmament, qui comprendra que je ne vois que des jours où je dois être forte. Que depuis ces naissances, je respire plus fort, pour survivre à l'effort.

 

On croira volontiers que je n'ai pas compris, que je prends la vie pour un sprint quand c'est une course de fond. Ce sera plus facile que d'admettre qu'ici, la course de fond est un parcours du combattant. Et qu'au plus petit rêve s'est substitué l'endurance.

Finalement tes larmes n'inquiètent plus la vie. Elles empreintent mes heures, sont l'encre sympathique des lucidités impossibles. Je dis que j'ai vingt ans, et que personne ne me consolera d'être orpheline car il reste tout près un corps une tête qui font mentir mes sentiments. J'écris que je sais bien qu'il n'y a pas de justice, mais que j'ai mal partout d'avoir perdu les ans. Ceux qui sont dépassés, ceux qui sont à venir. J'ai perdu l'illusion qu'il restait une chance. Et je marche dans mes pas pour ne pas égarer mon visage. Celui dont je ne peux plus réclamer une quelconque ressemblance.

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Publié dans En un mot - mot.

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